vendredi 6 avril 2012

Alain Juppé sur "France 24" : la Mauritanie et le Niger se battaient bien, pas le Mali

La situation est très préoccupante, je dirais même dramatique. C'est la raison pour laquelle, j'ai participé au Sommet des chefs d'État de la CEDEAO, la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest, qui s'est fortement engagée sur deux plans.

D'abord, le plan politique pour obtenir le retrait de la junte militaire et le rétablissement de l'ordre constitutionnel, afin que le processus électoral puisse s'engager. Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso a été chargé de cette médiation qui progresse à l'heure actuelle, même si elle est difficile.

Deuxièmement, il y a le volet militaire qui est complexe parce qu'il y a deux tendances si je puis dire, deux mouvements dans le Nord du Mali : d'abord le MNLA, Mouvement national de libération d'Azawad dont l'objectif est l'autonomie voire la séparation de la zone qu'ils nomment l'Azawad, région dont ils ont quasiment le contrôle ; et puis il y a Ansar Eddine qui est infiltré par Al Qaïda en réalité et dont l'objectif est différent, celui d'instaurer un régime islamique sur l'ensemble du Mali et au-delà sur la zone sahélienne.

Les chefs d'État ont donc décidé de préparer l'intervention de la force d'attente de la CEDEAO qui est composée de deux bataillons d'un peu près 3.000 hommes. La France a indiqué qu'elle était prête à assurer la logistique de cette force de façon à stopper les combats et rétablir l'ordre.

Nous sommes très inquiets, très vigilants et c'est la raison pour laquelle, d'une part la mise en place d'autorités politiques capables de négocier avec le MNLA et d'autre part, l'intervention de la CEDEAO nous paraissent prioritaires. C'est la raison pour laquelle la France a pris l'initiative de saisir le Conseil de sécurité qui a adopté une déclaration présidentielle soutenant les efforts de la CEDEAO.

Mais la lutte contre le terrorisme au Sahel, c'est d'abord la responsabilité des pays de la région. Certains d'entre eux se battent bien : la Mauritanie, que nous aidons à former ses cadres militaires, et le Niger mais force est de constater que le Mali n'a pas fait autant. Nous avons envoyé des messages répétés au président depuis des mois et des mois. Henri de Raincourt y est allé, j'y suis allé pour lui dire « attention, il faut vous battre contre AQMI, il ne faut pas compter sur une sorte de complaisance d'AQMI à l'égard du régime de Bamako » et ceci n'a pas fonctionné.

Donc aujourd'hui, il faut mobiliser l'ensemble des pays de la région : l'Algérie qui a un rôle majeur à jouer, la Mauritanie, le Niger, les autorités de Bamako lorsqu'elles seront opérationnelles pour lutter contre ce fléau qui menace toute la zone jusqu'au Nigeria.
Je voudrais insister sur le fait qu'il s'est passé la conjonction de deux événements que l'on a un peu tendance à simplifier. D'abord la rébellion touareg, qui ne date pas d'hier. Elle s'est déroulée depuis des décennies dans cette région. Il y a eu plusieurs révoltes. Il y a même eu un accord à Alger en 2006 pour essayer de trouver une solution politique. Cela n'a pas abouti, hélas. Puis, à cela est venu s'ajouter AQMI, qui est un phénomène plus récent et qui a été renforcé, c'est vrai par ce qui s'est passé en Libye avec l'arrivée de nouveaux combattants et surtout d'armes.

(…) Il faut absolument que l'on arrête d'abord les exactions qui se produisent comme vous l'avez dit au nord-Mali, les violences, les hostilités et le problème touareg ne se règlera pas par la force, il ne se règlera que par la négociation et le dialogue c'est la raison pour laquelle nous voulons des autorités constitutionnelles à Bamako et du MNLA un dialogue positif.

(…) Ce qui m'a beaucoup frappé dans l'attitude des chefs d'États de la CEDEAO à cette réunion de Dakar, c'est leur fermeté pour dire : « nous ne voulons plus de coups d'États militaires en Afrique ». Le rétablissement de l'ordre constitutionnel a une valeur symbolique pour l'ensemble du continent.

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