Le candidat de l’opposition,
serein mais vigilant explique la stratégie d’une victoire qu’il estime acquise.
Entretien exclusif avec Le Quorum.
Le Quorum : A
quelques jours du second tour de la présidentielle, quel est votre état
d’esprit ?
Macky Sall : Je suis très serein et très confiant, mais
en même temps vigilant. Je sais que sur le plan électoral nous avons
mathématiquement gagné les élections. Nous étions 14 candidats. Les 13 qui
étaient tous de l’opposition ont totalisé 66% des suffrages. Le candidat
sortant qui, d’ailleurs ne devait pas participer à la compétition totalisé 34%.
Il n’a aucun soutien parmi ceux qui étaient en compétition. Tous, sans
exception, ont décidé de soutenir ma candidature au second tour. Donc, c’est
clair, de ce point de vue, la messe est dite. Mais nous devons rester
vigilants. Parce que les signaux qui nous viennent, les informations que nous
avons, font état de tentatives désespérées de fabrications de cartes
d’électeurs, d’achats de consciences. Si l’on en est réduit à cela, c’est que assurément,
c’est fini de l’autre côté. Et, c’est pourquoi, je crois que les Sénégalais
devront encore se mobiliser plus que pendant le premier tour. Et rester
vigilants pour faire respecter leur choix.
LQ : Les
appareils ne sont peut-être pas maîtres des votes ; ensuite il y a quand même
eu un fort taux d’abstentions, si tant est que le nombre d’électeurs officiels correspond
à la réalité ?
MS : Oui, je crois que les chiffres ne correspondent
pas du tout la réalité. Puisque déjà, tous ceux qui ont été inscrits ces
dernières années, qui représentent 500 000 voix, n’ont pas pu avoir obtenir leurs
cartes d’électeurs. Ou parfois, ils avaient leurs cartes d’électeurs, mais pas
leurs cartes nationales d’identité. Donc ce ne sont pas des électeurs. Il faut
défalquer des 5 080 000 inscrits, à peu près 500 000. Ensuite il y a 130
000 personnes décédées depuis le début du processus, qui sont encore dans le
fichier. Au total donc c’est plus de 600 000 à 650 000 personnes qu’il faut
enlever du fichier pour avoir l’existant réel. Le taux de participation doit s’établit
à partir de ces données. Donc, vouloir bâtir une stratégie autour de la
remobilisation des abstentionnistes me paraît être suspect. Et de toute façon,
ne correspond pas à la réalité électorale de notre pays. Donc, je crois que
l’un dans l’autre les Sénégalais se sont mobilisés réellement. Bon, il y a eu
aussi des menaces qui n’ont pas facilité, peut-être, la mobilisation de
certaines personnes. Mais en tout état de cause, pour ce qui nous concerne,
tout le monde est motivé pour aller voter le 25 mars.
LQ : Il n’empêche
que le report des voix des recalés du premier tour en votre faveur ne saurait
être garanti à 100%.
MS : Oui, on
peut le dire, mais je crois que les appareils sont en train de mobiliser leur
électorat. On ne peut pas croire, par ailleurs, qu’un candidat qui a rallié
autour de son nom des électeurs n’a aucune influence sur eux. Cela dit,
effectivement, les électeurs sont libres dans leurs choix. Mais justement parce
qu’ils sont libres, je suis davantage rassuré. Parce que c’est le choix des
populations et des électeurs. Et je crois que ce choix s’est largement exprimé
lors du premier tour de l’élection. Et le désir de changement que moi, j’ai vu
depuis plusieurs années -puisque cela fait quand même, plus de trois ans,
que je sillonne le pays profond, que je voie les populations- est un désir
imprescriptible de changement. Et ça rien ne peut l’arrêter !
LQ ; Vous vous
félicitez du soutien de tous les autres candidats du premier tour, mais comment
arriverez-vous à cogérer, et à concilier les programmes de ces douze candidats,
dont certains parlent déjà de partenariat ? Qu’est-ce que vous entendez
faire avec eux ?
MS : Vous savez tous les candidats avaient leur
programme. Y compris moi-même. J’avais mon programme :" Yoonu Yokuté". Que j’ai proposé, et
qui a été voté. Etant passé au second tour, c’est moi-même qui ai pris l’option
d’aller voir le président Amadou Mahtar Mbow, le premier. Je lui ai dit :
" je viens vous réaffirmer mon ancrage aux Assises nationales". Vous
savez, nous avons notre programme s’est inspiré des Assises. Donc, je ferai
tout pour mettre en œuvre les conclusions des Assises, bien que je ne les aie
pas défendues au premier tour. C’est mon programme propre qui a été voté. Mais
nous allons, ensemble, mettre en œuvre le programme des Assises. Je vais institutionnaliser
une commission ou un observatoire qui va parfaire les réflexions sur la
Constitution, et sur les autres éléments de gouvernance démocratique des
Assises, pour améliorer notre démocratie, de façon à la rendre performante et
compatible avec tous les standards internationaux de démocratie moderne.
S’agissant des autres candidats, certains, Ibrahima Fall par
exemple, m’ont donné leur programme. J’en tiendrai compte autant que faire se
peut. Par ailleurs, la plupart sont d’accord sur les conclusions des Assises. C’est
un héritage commun. C’est un patrimoine commun.
Mêmes les idées d’autres citoyens, si elles sont bonnes, j’entends
en profiter parce que toutes les bonnes idées sont à prendre. D’où qu’elles
puissent venir.
Pour le partenariat, après la victoire du second tour, nous
allons rassembler toutes les compétences du pays. Compétences politiques et
civiles d’ici et de la diaspora. Qu’ils soient politiques ou apolitiques. C’est dans cet esprit que j’entends
travailler. Nous prenons toutes les compétences qui sont à notre disposition, à
travers les coalitions qui me soutiennent et à travers également les compétences de tous
les Sénégalais sans distinction.
LQ : Quelles
sont les équipes qui vous accompagnent dans cette période-ci ? Quels sont
les hommes -clefs de votre dispositif ?
MS : Je
ne veux pas parler des hommes- clefs du dispositif parce que je veux éviter la
guerre des appareils, qui est paralysante et inefficace. Je me méfie de ce type
d’agencement qui ne rapporte rien. Mais il est clair qu’il y a des hommes et
des femmes qui m’ont accompagné dans ce processus. D’ailleurs, vous avez vu que
je n’ai pas de directeur de campagne. Parce que ma conviction est faite que
l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est de mettre en synergie toutes les
compétences. C’est ce que j’essaye de faire. Une équipe plurielle. Une gestion
participative. Déjà, les premiers qui m’ont accompagné ont été ceux de l’APR.
Les premiers militants de l’APR, qui ont cru en moi, quand j’ai quitté
l’Assemblée, passant de la position de numéro 2 de l’Etat, à celle de simple
citoyen. Ils se sont mobilisés pendant des mois. Ils ont été vexés et humiliés.
Ils se sont battus, jusqu’à créer une dynamique. Trois mois après, ils ont
gagné avec moi plus de 18 collectivités locales. Seuls. Sans moyens. Ensuite,
au sein de Benno, ils ont fait toute la traversée avec moi, jusqu’à cet
instant. Vraiment ce sont d’abord les premiers pionniers, à qui je voudrais
rendre un hommage mérité. Parce que nous avons travaillé sans moyens. Contrairement
à ce que les gens veulent faire croire, je n’ai pas de moyens ! Même pour
ce premier tour, nous avons travaillé avec le minimum. Nos moyens comparés à
ceux d’en face, c’est David contre Goliath. Heureusement que le problème n’est
pas celui des moyens justement. C’est une question d’engagement et de volonté.
A ces pionniers,
s’ajoutent tous nos cadres politiques. A quatre à cinq mois de l’élection, je
me suis fait entourer d’équipes d’experts. Ils nous ont aidé à réorganiser sous
forme de projets et de programmes nos propres productions à partir des éléments
obtenus lors de notre tournée nationale dont l’un des objectifs était justement
de définir un ordre de priorités, de connaître la demande sociale. Ce travail a
été finalisé ensuite par un cabinet privé Interface sur la base des priorités
que j’ai dégagés.
Je me suis aussi
appuyé sur des expertises de femmes de qualité, comme Mme Aminata Touré, qui
est au FNUAP, qui a contribué à l’élaboration du programme. Et d’autres
compétences qui se sont rajoutées par la suite. Des universitaires, nos amis sénégalais
de la Banque Mondiale. C’est tout ce processus qui a abouti au programme Yoonu Yokuté : le chemin du véritable développement, que
nous avons proposé, avec un primat du social, et aussi les bases de la relance
économique et de la production. Bien sûr, il y a également les équipes de
communication qui sont avec moi depuis toujours, l’équipe politique et la
coalition Macky 2012, c’est-à-dire tous les partis qui étaient de Benno, ou pas, qui sont venus renforcer
l’APR. Mais je crois qu’à partir de notre congrès du 10 décembre déjà, la
couleur était donnée. Les gens devaient savoir qu’il y a un travail de fond qui
a été fait, et qui commençait à se manifester. Grâce à leur apport, aujourd’hui
nous en sommes là.
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