mercredi 21 mars 2012

RDC: un rapport accablant de l'ONU pointe la possibilité d'un «génocide»


L’armée rwandaise a-t-elle perpétré «un génocide» en République démocratique du Congo? L’Onu a ouvert cette porte dans un rapport controversé, publié, vendredi dernier, qui énumère, plus largement, une longue liste d’atrocités commises en RDC, de 1993 à 2003, par plusieurs pays africains.
Selon ce rapport, les attaques des forces rwandaises contre des réfugiés hutus «pourraient être qualifiées de génocide» si ces actes étaient prouvés «devant un tribunal compétent». «Les attaques apparemment systématiques et généralisées (...), ayant ciblé de très nombreux réfugiés hutu rwandais ainsi que des membres de la population civile hutu et causé leur mort, révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crime de génocide», développe l’ONU.
Accusations qui ont été dénoncées avec virulence par le Rwanda et l’Ouganda, aussi mis en cause dans le document. Dans un commentaire officiel joint au rapport de l’ONU, le Rwanda a «rejeté catégoriquement» ces écrits.
En outre, Kigali reproche aux auteurs du rapport de chercher à «valider la théorie du double génocide», selon laquelle les massacres de réfugiés hutus rwandais en RD Congo en 1996-1997 seraient à mettre sur le même pied que le génocide contre les Tutsi perpétré en 1994 par le régime extrémiste hutu alors au pouvoir à Kigali.
L’ambassadeur de la RDC réclame «justice»
L’ONU relève, de son côté, que «ces attaques se sont déroulées dans chaque localité où des réfugiés ont été débusqués par l’AFDL/APR (Alliance des Forces Démocratiques pour la libération du Congo-Kinshasa/Armée Patriotique Rwandaise) sur une étendue très vaste du territoire». Ces Hutu s’étaient réfugiés en RDC en raison de l’arrivée au pouvoir, en 1994 à Kigali, de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) qui avait mis fin à un génocide ayant fait environ 800.000 morts, selon l’ONU, surtout parmi la minorité tutsi.
Fruit d’une enquête menée de juillet 2008 à juin 2009, le rapport de l’ONU (550 pages), dresse l’inventaire de 617 crimes graves ayant fait des dizaines de milliers de morts civils de 1993 à 2003 dans l’ex-Zaïre et plus particulièrement pendant les deux guerres de 1996-1998 et 1998-2001.
A New York, l’ambassadeur de la RDC à l’ONU a réclamé «justice» au nom de son pays, «consterné» par l’étendue des crimes.
L’Angola et le Burundi ont également «rejeté» catégoriquement le rapport de l’ONU. Le gouvernement burundais a ainsi estimé que les conclusions du rapport étaient «clairement destinées à déstabiliser la sous-région».
«Un premier pas significatif»
Dans un communiqué, la Haut commissaire aux Droits de l’homme, Navi Pillay, a noté que la «divulgation fin août du texte après la distribution du rapport en juin et juillet à six Etats de la région, avait conduit à "des discussions intenses sur un seul aspect" du rapport - à savoir l’évocation de la possibilité que les forces armées du Rwanda et leurs alliés locaux auraient pu commettre des actes pouvant constituer des crimes de génocide». Mais elle insiste sur le fait que le rapport porte aussi «sur la conduite des États voisins sur le territoire de la RDC».
«J’espère que, maintenant que le rapport est publié, il sera examiné attentivement, en particulier les mesures qu’il propose afin que les auteurs des actes en répondent et pour la justice en RDC, après une telle litanie d’actes épouvantables. Les millions de victimes congolaises des violations commises par une gamme extrêmement large d’acteurs méritent rien de moins», a-t-elle souhaité.
Pour Amnesty International, la publication du rapport constitue «un premier pas significatif» mais l’organisation réclame «des actions concrètes» pour que les responsables soient jugés.

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